D’ombre et de lumière

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Assis sous le soleil du printemps, Patrick se dit qu’il lui faudrait bien un jour devoir se séparer de tous les livres qu’il exposait à cet endroit depuis autant d’années. Son père, le père de son père et ainsi de suite perpétuaient cette tradition sur la place de ce village tous les dimanches matins. Il soupira et se sentit triste de devoir se séparer de tous ses amis.

Au départ il ne se préoccupait d’aucun. A force de les côtoyer, il avait appris à mieux les connaître. Cela c’était accompli insidieusement, un peu malgré lui.
Ils se parlaient, échangeaient des idées pour lesquelles ils auraient pu mourir. Ils partageaient les amours de l’un. Les aventures de l’autre. Il avait fini par rentrer dans le cercle très fermé de tous ces mystères appelés communément par le nom masculin de : « livre ».
Chaque objet était la propriété d’un auteur. C’était avec lui que chaque jour Patrick apprenait, écoutait les confidences au détour de la page.

Un matin ensoleillé, il avait rejoint l’ombre d’un arbre. Il rêvassait à l’avenir, à sa future reconversion, il avait eu une proposition, devenir éditeur.
Soudain un grand brouhaha. Il se lève ou plutôt court vers la clameur qui enfle. Stupéfait, il s’arrête devant son étal.

  • Bon dieu se dit-il que se passe t- il ici ?

Les voix s’exprimaient et sortaient de toutes parts, à sa gauche, devant lui, près du sol.

Nous ne voulons pas partir ainsi. Donne-nous un délai Patrick disait un ouvrage broché de cuir. Je me sens bien à côté d’Emile Zola, Balzac, Alain Fournier, Stefan Zweig pour ne citer que ceux qui sont proches de moi.

Le soleil avait quelque peu tourné et les ombres jetées par les feuilles s’étendaient sur d’autres ouvrages. Ils s’enflammaient emportés par les autres propos de Hergé, de Schuiten, deux univers si opposés de la bande dessinėe. Goscinny en tête, ainsi que Peyo, même Pennac de ses derniers dessins si particuliers se joignaient aux autres.

  • Voyons Patrick que t’arrive t-il ? Tu ne veux plus rester en notre compagnie ?
  • Bien entendu que oui, mais aujourd’hui je dois penser à l’avenir. L’Europe va mal et je crains que nous devions, nous aussi, subir les secousses économiques de ces pays. Ici sur notre île, la vie est encore simple et belle. Vous me donnez de quoi vivre décemment. J’ai reçu une proposition où je ne devrai plus me lever si tôt. Veiller sur vous contre les voleurs de toutes sortes qui sévissent partout. Je suis fatigué, si las !
  • Ah ! C’est donc cela, dit Freud coincé entre Lacan et Cyrulnik. Le premier lui proposa son divan et le dernier lui dit au contraire qu’il avait confiance et rebondirait.

Il y eut une grosse bourrasque. Tous les ouvrages sortirent de leur emplacement et tournoyèrent autour de l’homme éberlué, apeuré. C’est que la révolte semblait gronder au sein des rangs qui s’étaient organisés. Ils encerclèrent l’homme. Ils s’étaient tous rangés côte à côte, serrés l’un contre l’autre. Pas un interstice entre eux. Au milieu, l’homme prit sa tête entre les mains et ne prononça qu’un seul mot :

  • Pardon !

Le groupe s’approchait, se resserrait de plus en plus près. Il aperçut Tatiana de Rosnay une petite dernière, mais aussi Poe, Ellory, Azimov et Stéphan King. Il prit peur. Malgré la chaleur, il sentit poindre en lui une profonde angoisse mêlée à une solitude immense.

  • Monsieur ! héla une voix féminine venue de très loin, vous allez bien ?
    Une main se posa sur son épaule en le secouant légèrement.
  • Venez vite ! Ajouta la dame affolée, le voyant allongé sur terre.
  • Que se passe t-il encore répondit-il d’une voix irritée. Que me veulent- ils ?
  • Je ne comprends pas ce que vous me dites, mais venez voir par vous même.

Elle l’entraîna vers le siège resté vide. A terre se trouvaient tous les livres qui lui appartenaient sans dessus dessous.

  • Il y a eu un coup de vent et voilà le résultat reprit la dame d’un air rempli d’empathie. Vous saignez de la tête Monsieur. Sans doute la branche qui se trouvait à vos côtés. Vous l’avez échappé belle !
  • C’est donc cela soupira Patrick, presque soulagé. Et continua dans un murmure :
  • Ça alors ! J’aurais pu croire…mais il ne finit pas sa phrase.
  • Allo dit la voix féminine, allo ? Pouvez-vous envoyer une ambulance ? Un homme est blessé. Il est si incohérent. La tempête sans doute. Merci.

17 mai 2012

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28 réactions sur “D’ombre et de lumière”

  3. Jubilatoire ! A tout âge, on peut être perclus de douleur, et l’épée de Damoclès se hisse au-dessus de nos têtes dès la conception… Alors merci pour ces mots qui font du bien, j’ai bien ri. Amitiés, Elisa

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    • Bonjour Elisa,
      Avec beaucoup de retard, désolée, je suis très contente d’avoir pu te faire rire 🙂 Merci pour ton passage.
      Ici nous sommes dans des problèmes de santé. Pour mon mari peut-être Alzeihmer, à confirmer. Je te souhaite un autre livre à publier. Amitiés. Geneviève.

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    • Merci ☺️ Eve. Dans ma tête, beaucoup de choses. Sauf que j’espère que les. Neurones ne craquent pas trop 😂. J’ai encore des projets. J’aimerais pouvoir les réaliser. Rapidement. J’ignore quand le sablier s’arrêtera. J’essaie de profiter de chaque jour comme je peux.

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  6. Il est excellent ton texte. Il va falloir que je me méfie des livres qui sont au garage, s’ils leur prenaient l’envie de se rebeller cela ferait un sacré chahut et suis sure que le destrier serait pris à partie. Je vois déjà Lucky Luke à sa poursuite suivi de près par Emile Zola qui accuse !
    Les articulations couinent aussi , avec cette météo plus qu ‘ humide j’ai l’impression de grincer tout le temps en marchant . Je suis en train de regarder la météo agricole pour demain, ouf pas de précipitations.
    Bonne fin de semaine
    Bises

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    • Bonsoir Gisèle. Tu me fais rire avec tes livres. 😂
      J’espère qu’ils ne prennent pas l’humidité dans ton garage. Haha Lucky Luke poursuivit par Zola, j’adore l’idée sous forme de BD.
      Ici aussi pas mal d’humidité. Comme d’habitude. Comment te débrouilles-tu avec WordPress pour écrire ? Bisous Gene

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    • Coucou. J’avais écrit cela suite à un atelier qui n’existe plus. Il devrait y avoir une image, mais comment l’insérer ? Ce sera plus tard. Oui dans ce texte qui m’a bien amusé à l’écrire, les livres papiers demandent beaucoup de soins et surtout d’espace 😀 Bises. Gene

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  8. Je suis bénévole dans une médiathèque, dommage les livres ne me parlent pas et heureusement car ceux de ton histoire n’étaient pas rangés par ordre alphabétique donc ils se seraient rebellés.
    Jolie histoire, bon jeudi.

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    • Bonne fin de journée Claudie. Je savais pour ton bénévolat et en te lisant, tu me fais sourire. En effet, c’est par ordre alphabétique. Sur ton blog, je ne peux pas commenter depuis mon Ipad. Est-ce voulu par-là plateforme ?
      Merci 🙏 pour ton commentaire et ta visite. 😊
      À plus tard, au hasard. 😉

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  9. Bonjour Brindille, je te souhaite un bel après-midi, ici c’est la grisaille et la fraîcheur, la fraîcheur cela ne me dérange pas mais la pluie c’est pas bien gai. Bisous MTH

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