Bernieshoot sujet littéraire sur le noir. Clic sur le lien
Une grille noire qu’il suffit de franchir d’un côté ou de l’autre. Entre passé et avenir, sur le fil d’un passage, l’esprit erre. Passera, passera pas. Il reste en retrait, rumine, cogite. Un bloc de souvenirs noirs qui l’étreint, l’oppresse depuis sa naissance. La porte est ouverte et il se trouve en prison. Dans l’espace restreint d’une mémoire qui lui renvoie trop souvent de ces flashes horribles, douloureux, où il ne suffit que d’un seul coup de fil pour basculer dans ce gouffre noir qui l’attire malgré lui.
Il se croit enchaîné et sait qu’il a le droit de se détacher, c’est du moins ce qu’on lui raconte. Il connaît toutes les ficelles, pourquoi encore écouter les autres, puisque lui-même ne parvient pas à résoudre l’équation de l’oubli. Le noir il l’aborde souvent aussitôt remplacé par de belles couleurs pendant des heures et des jours. Ensuite l’esprit sombre revient comme un diable de feu voulant lui ronger les entrailles à en vomir. Maux de dos, de ventre, impotence dans l’action ne fut ce que quelques jours. Qu’est-ce que le temps pour l’univers aussi sombre que ce noir là ? Il aimerait rejoindre les étoiles là-haut et s’y mêler. Il paraît que les âmes errantes sont plus nombreuses que les autres qui s’approprient un autre univers.
Pensées furtives d’un esprit comme le juif errant « personnage légendaire dont les origines remontent à l’Europe médiévale et qui ne peut pas perdre la vie, car il a perdu la mort : il erre donc dans le monde entier et apparaît de temps en temps. » Le père faisait référence tant de fois à ce personnage. La conscience retient en souvenir ces mots. Devant les barreaux il regarde le travail merveilleux du fer, s’y attache. Le regard s’accroche et s’égare dans les volutes et les méandres des formes inventées par l’artiste. Un vrai jeu de piste pour oublier que tout a été faussé depuis le début. Il croyait être libre et dans ses nombreuses tranches de vie au fil des ans, il s’est rendu compte que le jeu n’en valait pas la chandelle. Que les soubresauts évoqués en tant que résilience, peut-être, il n’y trouve aujourd’hui aucun intérêt. Tout est trop tard. Il a tout raté.
Il n’a fait que poursuivre comme Don Quichotte des moulins à vents et chercher la quête de la liberté, son Graal. Il croyait que Merlin pouvait être son salut, il est si loin. La coupe est vide, il n’y a rien, tout est tronqué, invisible pour l’aveugle qu’il est. Aucun son ne lui parvient il est sourd. Il ne veut rien entendre, rien écouter.
Seule la musique peut le sortir d’où il se trouve et l’emporter vers la clarté. Elle le prend sur sa portée de notes et le jette au milieu de la symphonie de la nature. Là est le refuge, le seul. Il est en osmose avec la terre et lui appartient. Il y retournera c’est là le juste retour des choses. « Tu es poussière et tu redeviendras poussière« . Quoi de plus naturel en somme.
L’esprit se gausse de telles pensées qui lui viennent face à elle trop de fois. Elle a beau dire et répéter :
– Non, non, non !
Il se pourlèche de la voir se rétrécir, s’amoindrir, se recroqueviller dans sa coquille fendillée. Elle n’était pas. Elle est. Elle ne sera plus.
Geneviève Oppenhuis 28-11-2017
565 mots.