Début d’une nouvelle policière non terminée – Bruxelles aux quais

Dans le cadre des ateliers d’écritures sur mon ancien blog filamots, je participais à différents ateliers et dans celui-ci c’était moi-même qui avait donné les sujets, soit des mots imposés pour les trois textes. Certain(es) l’ont lu sur l’ancien blog, désolée pour elles 🙂

Bruxelles – Aux Quais

Il marchait le dos courbé dans la GRISAILLE du matin blême, comme seule peut réserver la capitale Belge à l’aube des premiers jours d’automne.
La pluie fine tombait sur son manteau qu’il avait enfilé à la hâte. Un pardessus tout élimé aussi usé que ses vieilles chaussures « ras-le-bol de ces GODASSES » pensa t-il.

L’homme se dirigeait d’un pas décidé, à longues foulées du haut de son mètre nonante* vers cette INCONNUE avec laquelle il avait rendez-vous.
Le choix du lieu le long du canal tout au nord de la ville avait été sciemment choisi par lui.
Savoir si elle allait oser s’aventurer si tôt dans la matinée dans ce coin assez lugubre lui titillait les neurones. Georges avait préféré ne pas prendre la voiture. Il aimait particulièrement respirer les odeurs matinales qui semblaient purifier et assainir l’air dans ses poumons. Il savait qu’un peu plus tard les FLOTS des voitures de la circulation urbaine pourriraient le tout, pire qu’une cigarette allumée dont il suivrait du regard les volutes bleutées rejoindre celles qui s’évaporaient au-dessus de l’eau.

Elle s’appelait Carole. Trente-cinq ans, de taille moyenne, les yeux bleu-gris, habillée pour la circonstance d’un jean et de baskets, d’une veste noire bien chaude qu’elle ne regrettait pas de porter ce matin là. Elle attendait patiemment, assise dans une voiture citadine l’homme avec lequel elle avait rendez-vous. . Elle se sentait en totale communion avec le MILIEU de ce paysage qui l’entourait. Un sujet important, un rendez-vous à donner froid dans le dos. « Allons, se dit-elle, je ne puis pas tomber dans l’excès, un peu de nerf, ma vieille »

POURSUIVRE l’écriture de son livre parallèlement au travail d’Inspectrice au Commissariat de Ganshoren était un projet très long. L’homme qui la faisait ainsi « poireauter » faisait partie de cette enquête. Elle espérait que ses recherches pour son bouquin aboutiraient.

Elle aperçut dans son rétroviseur une masse sombre, ILLUMINÉE, par un éclairage blafard, approcher son véhicule. Carole redressa le dos du siège conducteur, ouvrit la portière, sortit de la voiture faisant ainsi face à Georges, tout en se souvenant des propos échangés par téléphone la veille.
– Mon prénom est Georges avait-il dit, moins vous en saurez sur moi, plus vous resterez en sécurité. Ces paroles prononcées d’une voix grave, profonde et quelque peu éraillée.
– A mon tour, dit-elle, Carole Van Dries. J’écris en ce moment une fiction. Le chapitre que j’entame concerne le trafic d’organes dans le monde. Au commissariat, un de vos anciens potes, Paul Maas, m’a communiqué votre numéro. J’aurais besoin d’informations concernant ces échanges illicites et la manière d’opérer de ces personnages qui y sont impliquées. D’après lui, vous seriez le seul en ce moment de passage à Bruxelles, à pouvoir me donner quelques pistes à suivre. Je sais qu’ensuite vous partirez pour Berlin.
Cette réponse avait été dite sur un ton trop vif pensait-elle, mais tant pis qui vivra verra se dit-elle.

Carole distinguait l’homme debout face à elle. Ils s’évaluaient mutuellement. Il pouvait avoir aux environs de la cinquantaine, mal rasé, le visage pas très avenant, il allait falloir foncer.
– Bonjour, dit Carole, d’une voix claire, un sourire mitigé au coin des lèvres. Georges ?
– Oui, c’est cela……heu…… salut ……. Carole ?
– Oui ! oui ! Bien entendu, répondit-elle, sûre d’elle-même. C’est Paul Maas qui m’a donné votre numéro. Un sacré personnage ajouta t-elle en souriant. Il m’a dit de vous transmettre les mots suivants : « les VIOLONS riment avec faucon ».

L’homme paru surpris, hésitant, douteux. Pouvait-il lui faire confiance ?

*********

 

CAROLE

Carole appuya sur la commande et verrouilla sa bagnole.

– un café jeune fille ? Georges frissonna. Bigre se dit-il, fait froid ce matin.
– Oui, oui, cela nous réchauffera, il fait un temps sombre et humide ce matin, répondit-elle en soupirant.

Elle resta ensuite SILENCIEUSE, plongée dans ses réflexions concernant ce personnage marchant à ses côtés.
Pouvait-elle lui faire confiance ?

Carole était née dans un milieu où travailler faisait partie de la culture familiale. A la maison guère de FANTAISIES.
Ses parents vivaient comme LOCATAIRES et concierges dans un immeuble d’entrepôts de vêtements pour une grande marque Anglaise. Son père travaillait à l’extérieur.
Il montait chez des clients, des grilles en FER forgé, toutes plus belles les unes que les autres.
Celles-ci devant de magnifiques entrées ou pour des maisons de maîtres situées dans tous les quartiers de la capitale Belge.
Elle avait toujours été proche de son père et une certaine connivente en grandissant à l’adolescence s’était installée entre-eux avant même qu’elle ne rentre à l’école de police.
Elle savait qu’il avait ESPÉRÉ pour elle un autre métier.

Sa maman s’occupait de la gestion de ces vêtements que Carole considérait comme princiers. Elles déambulaient souvent ensemble entre les rayonnages triés et rangés suivant une codification bien précise de la maison-mère, de ces habits de grand luxe.
Carole supportait avec COURAGE le caractère de sa mère. De par ses nombreuses réflexions amères et pénibles qu’elle entendait si souvent, au fil des années, les mots l’avaient BLESSÉE autant qu’à son père. C’est ainsi qu’après avoir terminé son cycle secondaire supérieur en langues modernes et Sciences Économiques, le diplôme en poche, elle prit la décision de rentrer dans le monde de la police, motivée par l’esprit de groupe, d’entraide, de justice. Du moins là avaient été ses pensées de l’époque. Ce n’est pas que la TRANSPARENCE y régnait toujours, mais elle avait creusé son chemin jusqu’à obtenir ce poste d’inspectrice. Elle aimait son métier et surtout son enquête actuelle.

Au cours des années son cœur de femme s’était fermé à tout amour à pouvoir partager avec un homme sur une longue durée, et n’avait que des relations assez courtes d’une moyenne de quatre mois. Elle ne voulait pas s’attacher, après avoir vu ses parents se déchirer si longtemps. Non, elle n’était ni prête ni disponible.

******

Georges

Tout en déambulant à côté de ce qu’il considérait comme un étrange bout de femme, il se demandait pourquoi il hésitait à lui faire confiance. Elle le déroutait un peu.
Paul et lui s’étaient rencontrés encore adolescents lors d’un voyage accompagnés de leurs parents en Irlande. Ils étaient devenus d’excellents amis aux Pays-Bas où ils avaient grandi ensemble dans leur famille respective.
Paul était rentré à la police du port d’Amsterdam, et avait ensuite à trente ans déménagé vers Bruxelles. Il y avait rencontré sa future épouse, et avait demandé sa mutation. Les amis avaient continué à se voir par intermittence.

Georges était le rebelle d’une famille de cinq frères. Son père aurait voulu qu’il prenne la succession de son cabinet médical. C’est ainsi qu’il avait débuté des études de médecine et par la suite abandonné ces cours pour s’inscrire en criminologie. Il y avait trouvé sa voie. Influencé par ses études médicales, il s’était fait une place dans le trafic des stupéfiants chez les jeunes. Quant à son père, il s’était fait une raison. Il aurait préféré pour son fils, un avenir moins hasardeux.

Depuis quelques années le trafic d’organes lors de ses voyages dans différents pays lui avait mis sous le nez ce commerce immonde qu’il voyait croître avec EFFROI. Il avait beau avoir trimballé sa carcasse poussiéreuse sur bien des chemins différents, il ne pouvait guère s’habituer à l’évolution de ces marchés parallèles causés par la pauvreté, le mensonge, et ces coups de POIGNARD dans la déshumanisation totale des COLLECTIONS d’individus entre eux.
Il aimait s’investir et plonger jusqu’au COU dans les côtés les plus sombres de l’être humain.
Ce qu’il préférait ?
DEMENTIR qu’il n’y avait plus une once d’espoir pour sortir ces laissés pour compte au bord de la route de la vie. Il était obstiné et souhaitait faire partie des plans mis en place pour contrer ces trafiquants de tous poils et démanteler ces réseaux.
Il s’infiltrait, disparaissait dans la masse des anonymes. Le matin au lever, il scrutait dans le miroir son visage buriné comme une seconde peau factice. Difficile ainsi de pouvoir faire son AUTOPORTRAIT. Georges se cachait. Cela lui convenait.

Il songea à sa femme Claire qui en avait eu assez de vivre avec un fantôme. Leurs métiers les avaient séparés au lieu des les rapprocher. Elle en connait un sacré bout sur la psychologie des enfants, et de ces blessés de l’existence.
Il se souvenait de leur rencontre en Inde, dans le Kerala à Munnar. Elle prenait du repos, allongée sur un tapis de sol, dans un de ces bateaux-maison qui sillonne la région. Lui, sur une piste de trafiquants d’esclaves sexuels. Entre eux, ce fut le coup de foudre.

Il passa sa langue sur les lèvres essayant de se rappeler le goût de celles de Claire lorsqu’il s’amusait à la taquiner en l’EMBRASSANT.
Il l’aimait encore. Du moins c’est ce qu’il se disait, sans aucune hésitation. Aucune autre femme n’avait réussi à l’intriguer, susciter le moindre intérêt, comme ce qui s’était passé avec sa femme. Ils s’étaient mariés et puis s’étaient séparés, perdus de vue, n’ayant aucun enfant pour encore les rapprocher sporadiquement. Elle avait laissé en lui une trace d’une rare féminité.
Son départ, dans sa vie, lu avait fait perdre le sens des priorités, et ceci pendant de longs mois.
C’est encore Paul, une fois de plus, qui avait donné le coup de pouce à l’HELICE de ses tourments, en le mettant sur la piste du trafic d’organes jusqu’à en avoir la tête qui tourne. C’est ainsi que le temps avait passé.

Et voilà qu’il lui envoyait dans les pattes, un puceron féminin qui croyait peut-être obtenir le prix Goncourt avec une enquête, dont elle ne pourrait pas soutenir le choc.

– Bonjour, je vous sers quoi ce matin ?

*Nonante : quatre-vingt-dix

© Geneviève Oppenhuis 09-2015

Tant de temps + toute petite pause

TANT DE TEMPS

Déjà 17 heures. Je pense à la chanson de Jacques Dutronc. Bruxelles ne s’éveille pas. Je quitte mon univers bureaucratique étriqué, comme un fœtus sort du ventre de sa mère lorsque le temps est arrivé à son terme.

Vendredi, fin de semaine. Un jour comme un autre. Et pourtant non, chose étonnante ce soir, le soleil brille de mille feux. Une belle journée printanière qui se termine.

Je prends ma veste dans la penderie, devenue trop chaude pour la saison, tant pis, il faudra bien que je la mette, car ici le temps peut changer d’un jour à l’autre si rapidement. Aujourd’hui 17° demain 11°. J’ai appris à l’école, que nous vivions sous un climat tempéré. Quel drôle de terme pour ce pays, où les températures montent et descendent comme des montagnes russes. Le climat dit-on est déréglé. Mais peu importe, la veste sur le dos, le bureau pas trop mal rangé, je m’éloigne de cet endroit plein de papiers et de mauvaises odeurs, pour fermer le temps de deux journées complètes, la porte à clef de cet endroit où le vampire patron, m’a sucé toute mon énergie.

 

Je descends presque en sautillant les marches recouvertes d’un tapis usagé que tant de pas ont déjà foulé, et où je manque de m’étaler sur une seule marche qui me fait un croc en jambe, histoire d’un peu corser ma sortie de ce soir. J’injurie tout bas ce bout de tissus épais qui, une fois de plus a failli me faire tomber.

Je m’empresse de sortir. Le tram, cette fois ci je ne souhaite pas le rater.
L’arrêt est à deux pas.

Les poubelles ont été sorties la veille au soir et elles jonchent encore le trottoir, étalées devant moi, quitte à les enjamber une fois sur deux. Des cartons par-ci, d’autres sacs plastiques par-là, bien fermés et réglementés par Bruxelles-Propreté. Je me demande en voyant tout cela où se trouve la propreté. Elle a dû se perdre dans les nombreux formulaires sortis, pour l’occasion de la nouvelle réglementation.

 

L’atmosphère tend vers la clarté. Je regarde les arbres autour de moi, remplis de petites feuilles toutes nouvelles, qui commencent à pousser d’un vert si tendre, que je les mangerais et en ferais une excellente salade. Je ris de ma comparaison ridicule. Plongée dans mes réflexions, j’oublie les arbres et vais m’asseoir sur le banc de l’abri, afin d’attendre ce tram avec tellement d’impatience. La maison m’attend et le repos aussi. Mais non que dis-je ? Quel repos ? Encore tant de choses à faire !!!!

 

17h10 le transport en commun ne saura tarder. Une dame assise à côté de moi, vêtue de vêtements sombres, secoue autour de ses doigts les clefs de sa maison ou de son appartement. Je ne connais rien d’elle et pourtant nous sommes là côte à côte et trouve ridicule de ne pas nous parler, parce que notre éducation ne l’a pas permise.

Je regarde devant moi les yeux dans le vague, la verdure entre les rails. Cette herbe, une nouvelle expérience pour l’environnement de la région, histoire d’enjoliver ces deux barres parallèles qui montent vers le parc situé en haut de la chaussée, cette herbe si tendre, si verte, apparemment immaculée.

 

Un homme accompagné de son chien passe devant moi. Je me dis que la promenade doit bien être difficile, pour devoir ainsi sillonner entre les crottes laissées par d’autres animaux de compagnie passés avant le sien qu’il traîne derrière lui sans aucun entrain ! J’oublie mes pensées et je me laisse aller à savourer ces instants avec beaucoup de bonheur. Le soleil darde ses rayons sur mes jambes allongées dans un abandon total à la chaleur de cette fin de journée.

 

Je sens monter en moi une énergie incroyable, une joie exquise, c’est le printemps et je sens ce renouveau couler dans mes veines, cette sève qui monte aussi en moi sous forme de projets, d’exaltation passagère. Une brise légère vient me chatouiller le bout du nez. Je souris ce soir à la vie, pour cet astre qui la donne sur notre terre.

Je respire l’air qui passe. L’odeur est légère, malgré les automobiles qui circulent, aussi bien celles qui montent la chaussée, que celles qui la descendent. Que de pollutions et pourtant, je respire, je sens, je hume l’odeur des arbres, et je parviens à détecter au-travers de toutes ces senteurs diverses, quelque chose de respirable, de bon, de délicieux à humer. Je prends ce que je peux, car l’endroit n’est guère propice, mais l’instant est merveilleux.

Je me tourne vers la dame toujours assise à côté de moi et nous parlons pendant quelques secondes de ce beau temps.

 

Le tram 18 qui nous amènera à notre destination doit bientôt arriver, c’est bientôt l’heure, tient-le voilà ! Il arrive. Mes yeux scrutent l’horizon, l’arrivée tant attendue de ce transport.

Et puis déconfiture, il s’agit d’un « hors service ». La dame souhaite monter, mais les portes ne s’ouvrent pas, forcément, ce n’est pas le bon ! Je lui signale qu’il est encore trop tôt.

Nous sommes là assises, complices dans l’attente, silencieuses. Je profite toujours des feuilles, du ciel, de la chaleur sur mes jambes, un moment privilégié, un bonheur qui passe, quelques moments fugitifs.

 

17h15, il est en retard de 2 minutes, c’est normal, la ligne est fort fréquentée, et en plus il vient du centre et se dirige vers la direction « Silence » où se situe son terminus. Pourquoi Silence, car là se trouve un cimetière hors de la ville. Cela dût être d’actualité il y a bien longtemps, maintenant le lieu-dit « Silence », n’est plus aussi silencieux qu’autrefois. Un quartier est venu s’y ajouter. La circulation y est intense, elle se dirige vers une autre agglomération importante. Une autre ligne de tram y passe aussi et prend une direction différente. Un véritable carrefour cet endroit où reposent ceux ou celles qui ont terminé leur parcours sur terre.

Je consulte ma montre, mais nom d’un chien quand va t’il donc arriver ce foutu tram. Il a déjà 2 minutes de retard.

Puis le miracle s’accomplit, l’attente se termine.

Le voilà le long d’un quai construit en plein air, à l’arrêt. Mais les portes restent ostensiblement fermées. Le conducteur se lève les vérifie. Pas moyen de monter, il va encore falloir attendre. Je subis ce contre temps avec patience, il fait si beau.

Il reste à l’arrêt, il est en panne.

© Geneviève O. Mai 2004

Totalement autobiographique, avant que je ne vienne habiter à Bordeaux en mai 2004. Quant à la sortie du boulot, j’ai dû donner mon préavis avant mon mariage et mon voyage vers la France 🙂 Le tram n’est plus le même et ne porte même plus le même numéro. Tout a bien changé depuis cette date. 🙂

La bâtisse – Atmosphère

Atmosphère

 

La demeure se dressait devant elle, hostile.

Son bagage à la main, Fanchon accompagnée de sa mère se rendait pour les vacances de Pâques dans cet endroit qu’elle découvrait les yeux écarquillés de stupeur.

C’était la première fois qu’elle y venait et aussi paradoxal que celui puisse paraître elle frissonna malgré la température clémente.

Elle savait que sa mère avait fait bien des sacrifices pour payer à son frère ainsi qu’à elle-même, ce séjour de quinze jours.

La maison parut grande pour ses yeux de petite fille de dix ans. Les pierres grises et austères ne l’attiraient pas. Elle préférait la lumière, la beauté, les fleurs, les grandes pelouses vertes, les arbustes.

Autour d’elle, s’élançaient de grands conifères, tout droit dressés, en rang d’oignons, imposants, d’un vert sombre, seul au détour d’un chemin, un grand saule apportait un peu de couleur dans cette atmosphère pesante. Ses longues branches effilées buvaient l’eau de l’étang, à la gauche de l’immense entrée.

Un escalier de pierre à gravir. Son frère Jean ne disait mot. Pour Fanchon c’était normal, ils ne communiquaient guère, ils n’avaient pas les mêmes centres d’intérêts. Il était encore trop petit. Ce dernier, le corps atteint par la maladie, montrait un visage crispé et émacié. Il avait des ganglions aux poumons, et devait pour sa santé avoir un séjour à la mer du Nord, pour bénéficier de l’iode et du bon air tant reconnu par les spécialistes de l’époque. C’est ainsi que malgré elle, les vacances avaient été programmées pour tous les deux.

Fanchon regrettait d’être embarquée dans une pareille aventure, mais elle n’avait pas le droit à la parole, ne pouvait que se taire, obéir, en attendant la suite des évènements. Cela ne se fit pas attendre. Une sœur ouvrit la porte, sérieuse, une coiffe à cornettes lui entourant le visage, et cachant les cheveux.

Elle nous fit entrer et nous guida vers son bureau. Une bibliothèque, un bureau, du carrelage, le tout brillant de propreté.

Sœur Eméralda prit les formulaires, les relut puis les rendit à notre mère pour accord et signature.

Fanchon, assise, attendait. Qu’allait-il se passer maintenant? Elle avait peur de cet endroit. D’instinct, elle n’avait pas envie d’y rester, mais que pouvait elle y faire ? Rien du tout.

Puis, leur mère les embrassa, après des dizaines de recommandations, tant aux enfants qu’à la mère supérieure. Cette dernière les mains dans les longues manches noires, reconduisit maman à la porte, nous laissant mon frère et moi seuls. Lui, dont les jambes se balançaient sous la chaise d’une manière si insouciante pensait Fanchon.

Lorsque la sœur revint, elle les conduisit au dortoir, chacun le sien. Un côté pour les garçons, un autre pour les filles. Des sortes de petites chambrées, bien rangées et protégées par un grand rideau blanc, une petite armoire pour les effets personnels, un broc et un récipient de couleur pour se débarbouiller le matin et le soir.

A la maison c’était pareil, pas de salle de bains, c’était pour les riches. Et la toilette se faisait dans la cuisine, dans une bassine en plastique prévue à cet effet.

Fanchon s’assit sur le lit, toute tourneboulée, prête à pleurer de solitude devant l’inconnu. La peur la reprenait.

Ses jambes ne touchaient pas le sol. Derrière le rideau ouvert, elle apercevait une fenêtre à la vitre blanchie. Pas de regards indiscrets surtout, c’était normal pour un dortoir.

Elle eut soudain envie de s’enfuir, de courir à perdre haleine, de rattraper sa mère, de rentrer chez elle. Mais il était déjà trop tard, elle devait déjà se trouver bien loin, il commençait à faire nuit.

Une autre sœur habillée d’une longue robe brune vint la chercher pour la conduire au réfectoire.

Il y régnait un grand silence. Personne ne bougeait. Elle se laissa conduire à une place libre entre deux autres filles qu’elle n’osa pas regarder.

Ce fut alors la prière, ce que Fanchon connaissait fort heureusement. Elle n’aimait pas les sœurs, se moquait de tout cela, mais se soumettait à la volonté de sa mère qui voulait faire d’elle une bonne chrétienne.

C’est sans atermoiement, qu’elle mit les poignets sur la table comme on le lui avait appris. Le repas l’attendait.

Dans une encoignure de cette grande salle, toute carrelée, trônait une statue de la Vierge Marie. Au-dessus de la porte, un crucifix. Pas de plantes, ni de fleurs, le dénuement le plus total. Elle détestait ce vide monacal. Un espace sans âme, et pour elle sans humanité et sans cœur. Il n’était pas permis de parler, il fallait attendre l’autorisation de la sœur surveillante plantée entre les deux rangées de table. Rien n’échappait à son regard acéré, vif et empreint d’aucune bienveillance.

Après le repas, elle avait écouté avec les autres la météo du lendemain. Ils iraient à la plage. Il ne devrait pas pleuvoir.

Après avoir participé à débarrasser la table, elle accompagna les autres pour une courte récréation où un peu trop timide, elle n’osa adresser la parole à personne. Elle regardait autour d’elle et vit un petit groupe de filles sauter à la corde et un autre jouer à la marelle. Elle aimait les deux. Elle s’approcha pour regarder, c’est tout.

Un claquement des mains, il était temps de monter pour aller se coucher. Comme il faisait encore froid en cette saison, un poêle brûlait au milieu du dortoir. Elle en avait vu la couleur du charbon rougeoyant au-travers des interstices. C’était rassurant, comme à la maison.

Cependant elle avait froid, et ne souhaitait que s’enfoncer sous les couvertures pour dormir et oublier cette arrivée en ces lieux inconnus.

Après s’être lavé les dents, avoir mis sa chemise de nuit, elle s’était glissée sous les draps glacés, propres et amidonnés.

Après toutes ses émotions, elle finit par s’endormir rapidement.

 

Au milieu de la nuit, elle fut réveillée brusquement par l’alarme du bâtiment. Elle se sentait endolorie, avait si sommeil et ne demandait qu’une seule chose : dormir encore. Mais rien à faire, une sœur la secouait de toutes ses forces, elle devait se réveiller et ne pas se rendormir. Elle devait se lever et sortir à toute vitesse du dortoir. Elle observait comme dans un rêve des sœurs qui courraient dans tous les sens, ouvraient les rideaux des petites cellules. Elle ne comprenait pas ce qui arrivait. Elle voyait des hommes en habits étranges. Envie de dormir encore !

J’ai sommeil dit-elle à la sœur qui la tira hors de la pièce.

Fanchon entendit vaguement des mots sans suite : charbon…..cheminée….poêle ….carbone…..danger….vite….. !!!! Elle ne comprenait pas ce qui se passait. On la fit respirer dans une forme d’entonnoir pendant un long moment, puis ce fut le tour des autres filles de son âge. Elle se retrouva dans un groupe, pieds nus en chemise de nuit.

Bien plus tard, la sœur supérieure leur expliqua qu’un accident s’était produit quelque part dans la maison, mais qu’il n’y avait plus rien à craindre, que le danger était passé. Elle n’avait donné aucune autre explication.

Tous les pensionnaires furent transférés dans un autre dortoir de fortune, où il régnait un froid glacial, mais où ils étaient en sécurité.

Fanchon se dit que sa mère avait vraiment eu une très mauvaise idée de l’avoir emmenée avec son frère dans cet endroit horrible.

Pour cette première nuit, elle s’en souviendrait toute sa vie.

Toutefois, elle sourit et se dit : Vivement demain la plage et plongea dans des rêves de petite fille.
© Geneviève O. (brindille33-filamots)  28 août 2010

***

Texte écrit pour un atelier.

Le piano

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Le piano

J’étais passée à diverses reprises devant la maison d’où sortaient des sons de musique qui avaient attiré mon attention. Cette personne jouait du piano de façon sublime. La fenêtre était ouverte. Je m’étais arrêtée pour écouter la musique.
Elle était empreinte de sensibilité, et l’artiste me semblait-il avait du talent. J’étais subjuguée par sa façon de jouer, et prise d’une soudaine impulsion, je voulus savoir qui j’allais découvrir derrière la porte.

La maison qui formait un coin dans une rue adjacente bordée de maisons anciennes, où une main pendue à la porte d’entrée servait de heurtoir se trouvait dans un vieux quartier de la ville.
Je frappai et attendit le coeur battant que quelqu’un vienne ouvrir. Je n’attendais rien. Ou plutôt si, d’être surprise.
Une porte qui s’ouvre, un regard qui m’effleure. Je me sens déjà troublée.
Un homme dans la quarantaine  se trouvait devant moi, les tempes grisonnantes, le sourire aux lèvres. Des cheveux mi-longs, une tenue assez négligée mais propre. Je le trouvai bel homme.
Son regard était interrogateur. J’avais vraiment envie de rentrer.
Alors j’invoquai des informations sur le piano, un article à faire, et lui avouai que je l’avais entendu jouer depuis l’extérieur, et souhaitais quelques informations sur son travail.

La maison était accueillante, ce que je pouvais attendre d’un artiste. Des partitions jonchaient le sol, également éparpillées sur le dessus du grand piano. Mon regard s’attardait autour de moi. Je humais l’atmosphère fraîche qui y régnait. C’était le début de l’été.
Il s’était entre-temps remis au piano, m’avait servi à boire, et repris le morceau qu’il jouait. Il me disait qu’il préparait un concert et qu’il ne se sentait pas du tout prêt pour la date assez proche.

Il jouait le concerto pour piano de Rachmaninov, mon morceau préféré. Ses doigts agiles glissaient sur les touches un peu jaunies par le temps, et regardant au-delà de ses épaules, j’aperçus sur le mur d’en face, de merveilleux dessins japonais et chinois, ainsi que quelques dessins au crayon représentant un homme et une femme enlacés ou bien enroulés sur eux-mêmes dans l’acte d’amour.
Je me perdais dans ces coups de crayon, rêveuse, tout en écoutant les sons qui dans ce premier mouvement, allaient crescendo. C’était poignant, et l’interprète avait un talent incontestable.

Je m’approchai de lui, près de son dos. Il était habillé légèrement et je percevais sous la toile de lin, la peau de cet homme qui m’émouvait en ce moment.

J’étais là près d’un inconnu, et ni lui ni moi nous ne nous posions aucune question, attentifs à la minute présente, à l’instant qui passe.
Je voyais sa nuque, recourbée, tressautant par moment. Mes yeux rivés sur cette peau légèrement bronzée passaient d’une épaule à l’autre, longeaient ses bras, sa taille. J’essayais de deviner sous ses vêtements, sa peau si tentante.

Je me penchai, mes seins sous un haut de dentelle, généreux, frôlèrent son vêtement, et du bout de ma langue, très légèrement je pris les gouttes de sueur qui perlaient à la lumière.
Dès le premier regard, ses yeux d’un brun profond m’avaient captivée, sa stature imposante et bien enveloppée m’avait de suite attirée.
Il n’était pas rasé, mais bon cela ajoutait à ce charme un peu discret qui émanait de sa personne.

Une main droite s’arrêta sur une note, une blanche, temps suspendu, où tout est possible. Je le savais, mais je risquais.

Il pivota sur lui-même, et je crus, un bref instant qu’il allait me mettre dehors. Son regard profond et intense, brillant, plongea dans le mien, sans un mot.
Il me sourit, me détailla des pieds à la tête, laissant son attention un court instant s’arrêter sur mes vêtements légers, mon buste, ma taille, mes jambes, pour revenir tout aussi rapidement sur mon visage, avec toujours ces mêmes yeux un peu énigmatiques.

Il me prit la main, la posa sur ses yeux, sur sa bouche.
– Asseyez vous me dit-il, à côté de moi.

Ce que je fis. J’avais envie de lui parler, de mon projet, d’expliquer ma présence, mais au moment où j’allais prendre la parole, il m’intima l’ordre de ne rien dire, et se remit à jouer.

J’écoutais ce premier mouvement, et me laissais bercer par les notes qui m’emportaient, s’insinuaient en moi, me pénétraient dans chaque fibre du corps, comme dans une union charnelle.

Soudain, sa cuisse gauche se colla contre la mienne. Je tressaillis. Le contact était doux, troublant, étrange. Je n’osais pas bouger. Je constatais que ce contact me plaisait et que les mots étaient inutiles.

Ses mains maintenant courraient sur les touches et les notes défilaient de plus en plus rapidement. Je connaissais ce concerto par cœur, et en même temps je ressentais le doux émoi qui s’emparait de moi. Le romantisme de l’œuvre éclatait au grand jour, dans un éclatement de notes de plus en plus pathétiques.
J’étais envahie par la musique comme celui qui se trouvait à mes côtés, et mon cœur s’envolait avec le sien, transportés ensemble dans l’écriture lyrique du compositeur.
C’était maintenant l’envolée passionnée de la fin de ce premier mouvement.
J’observais le visage du pianiste ruisselant de sueur, et mon regard souhaitait captiver le sien, au rythme des notes.

Je levai les doigts vers son visage, et le tournai vers moi. Nos yeux s’accrochèrent l’un à l’autre dans une même vibration. Mon corps tremblait autant que le sien, chacun assoiffés de la même passion que celle émise par les notes de musique.

Lorsque les derniers sons tragiques et ultimes se firent entendre, et que le silence se fit, il mit ses deux mains autour de mon visage, se pencha vers moi, prit mes lèvres contre les siennes, et avec fougue m’embrassa. Il m’avait pris aux épaules et m’écrasait contre son torse. Sa langue fouillait avec insistance ma bouche, pour venir y chercher la mienne. Son baiser était passionné, et je me laissai aller avec délices à y répondre avec le même plaisir.

© Geneviève O – juillet 2006