Avec les mots :
Affutiaux – Cuvier – S’esbigner – En ribote – Seau d’égoutture – Chasse-cousin – Essanger le linge – Moucher les chandelles – Oripeaux – Maie – Soupente – Accordailles – Gouape – Estaminet – Rincette – Rincette – Solive – Pistole
Demain serait la fête des accordailles. Elle y pensait Noémie tout en s’occupant à essanger le linge dans le cuvier et le mettre ensuite dans le seau d’égoutture. Cette eau récupérée serait arrosée sur le jardin, plantations, fleurs, légumes. Le savon naturel rien de tel.
Le soleil luisait au-travers des solives de la soupente, là où quelques tuiles allaient devoir être réparées. Lorsqu’il pleuvait fort, elle devait bien mettre quelques bassines ici et là. Dans la maison, ils vivaient ainsi, pas riche, pas pauvre non plus. Ils avaient quelques moutons, quelques chèvres, des poules.
Après les épousailles avec son promis Alfred, ils s’étaient dit qu’ils achèteraient ensemble une vache qu’ils mettraient sur le terrain à côté de leur future maison. En attendant ils mettaient de l’argent dans un pot en cuivre situé au-dessus de l’âtre, pistole après pistole.
Noémie ne reculait pas devant la tâche de la maisonnée. Ce matin tôt, elle avait trié quelques oripeaux, cottes et s’était fait jolie habillée de vêtements colorés pour débuter la journée. Elle s’était attelée à faire du pain, une bonne fournée. De nombreuses grosses boules fraîchement cuites iraient rejoindre la profonde maie. Celle-ci située à côté de la grande armoire qui servait de vaisselier, à la gauche du foyer ronronnant doucement et qu’elle alimentait de temps à autre de grosses bûches de bois.
La journée s’était écoulée aussi vite que pouvait tourner le moulin à grains, non loin de là et dont la farine servait à faire leur pain. Elle se mit à songer aux pales du moulin. Elle se mit à rêver de partir en ribote, de faire quelques embardées toutes joyeuses le long du ruisseau en bas de la vallée. Nullement pour s’esbigner, mais pour partager avec la nature la joie qu’elle éprouvait dans cet amour.
Alfred lui avait fait quelques confidences. Il avait failli mal tourner en rencontrant quelques gouapes de son âge lorsqu’il était jeune homme et avoir traîné dans les estaminets en s’offrant bien souvent une dernière rincette pour la route avant de rentrer chez ses parents. A la maison, sur la table trônait le chasse-cousin que son père se versait le soir jusqu’à plus soif, pour ensuite se rendre au lit et ronfler toute la nuit. Sa mère également ne se refusait pas non plus un verre. Et de ces exemples, il avait suivi une mauvaise pente.
Tout cela était du passé, il le regrettait beaucoup. Il avait juré à Noémie que ce n’était qu’une grosse bêtise, à l’époque, de sa part. Il s’en voulait d’avoir pris ce mauvais chemin temporairement. Aujourd’hui, il l’aimait lui avait-il dit. Il avait un bon métier, menuisier, et songeait à monter sa propre affaire. Ce serait pour plus tard.
Ce soir, il serait bien nombreux autour de la grande table. Noémie y songeait et s’activait. Le repas fut chaleureux et généreux rempli de rires, de bonne humeur. Demain serait un grand jour pour les familles, les proches, les amis.
Avant d’aller se coucher, elle ôta quelques affutiaux, et moucha les chandelles avant de rejoindre son lit. Dans le noir, elle s’endormit le sourire aux lèvres.
© G.Ecrits 18-02-2016