Se détourner du temps (Roberto Juarroz)

En passant au hasard chez notre messager des poèmes, voici un poème qui m’interpelle. Il me parle, avec à la fois de la joie, de la tristesse, des os qui craquent, d’autres maux qui s’installent. La nature est immuable et le printemps à notre porte nous apporte un regain, comme la sève dans les arbres. De la joie dans le coeur. Quel bonheur que ce sentiment lorsque la saison s’en vient. Je l’aime celle-là. En attendant que coulent les heures, je fais des projets encore. C’est revigorant.

Arbrealettres


Illustration: Gilbert Garcin

Se détourner du temps,
déjouer le compte-gouttes de l’âge
et déchirer le suaire
des minutes répétées comme des abeilles.

Comment fouler le temps
et marcher sur lui
comme sur une plage
dont la mer s’est séchée ?

Comment sauter sur le temps
et avoir pied dans le vide
et son absence creusée ?

Comment reculer dans le temps
et raccorder le passé
à tout ce qui fuit ?

Comment trouver dans le temps l’éternité,
l’éternité faite de temps,
de temps congelé dans les gosiers les plus froids ?

Comment reconnaître le temps
et trouver le fil inconnu
qui coupe ses moments
et le divise toujours
justement au milieu ?

***

Desconocer el tiempo,
desbaratar el cuentagotas de la edad
y rasgar el sudario
de los minutos repetidos como abejas.

¿Cómo pisar en el tiempo
y caminar por el
como sobre una playa
cuyo mar se ha secado?

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